Nous sommes habitués à entendre parler du triste sort des paysans à l’étranger, en particulier en Afrique, en Amérique du sud ou en Asie. Fermiers brésiliens chassés de leurs terres, emprise des grandes entreprises exportatrices au détriment des productions vivrières sur le continent noir, main-mise sur les semences locales en Inde. Via Campesina, la grande organisation paysanne mondiale, réclame depuis environ deux décennies le retrait de l’agriculture des accords de libre-échange ainsi que le droit à la terre, le droit à la nourriture.
En plein cœur de l’Amérique du Nord, on imagine mal de pareilles situations. Et pourtant! Si les symptômes diffèrent, les causes sont souvent identiques d’un continent à l’autre. Et le Québec n’échappe pas à ce constat. Le droit de produire limité à une minorité dans des secteurs névralgiques comme le poulet, les œufs, le lait, le lapin, le sirop d’érable, en somme les productions sous quota.
L’accès à la terre se trouve également fortement entravé, en raison de divers facteurs : étroitesse d’esprit de la CPTAQ qui présume qu’une ferme de moins de 100 ha n’est pas rentable, ou encore qu’il faut gérer les régions rurales comme si c’était la banlieue montréalaise. Programmes de subventions taillés sur mesure pour la grande entreprise spécialisée, incitant à la spéculation foncière.
Le Québec n’a toujours pas de politique agricole, gérant l’agriculture à la pièce, de façon souvent paradoxale. Et ce n’est surtout pas la récente politique bio-alimentaire qui va y changer quoi que ce soit.
Noir portrait, non? Et pourtant, la paysannerie couve, comme un feu latent dans la tourbière, émergeant ici et là. Des milliers de personnes découvrent les bénéfices de la production à la maison, parfois même en pleine ville. Des liens se tissent entre la ferme et les clients. Beaucoup évitent le radar de la bureaucratie commerciale ou le contrôle de la mise en marché par le monopole dont il ne faut pas prononcer le nom… Innovation, découverte, savoir-faire se développent, au fond des rangs, dans les fêtes de semences, dans la grange ou le hangar. Légumes, fruits, animaux, machinerie innovante, transformation locale, tout y passe.
Ce congrès se veut un lieu de réflexion, d’échange, de remise en question aussi, en vue de regrouper les acteurs de changement. La paysannerie se révèle plus tenace qu’il y semble mais elle a besoin d’espace pour grandir au soleil. Elle a besoin d’alliés, comme l’Union paysanne. Bon congrès!
Maxime Laplante, agr, président.