Lachute, 1er décembre 2016 : À la suite des sorties médiatiques de l’UPA, et de la CAPÉ1 l’Union paysanne pense qu’il est maintenant temps d’aborder une relation trouble qu’entretiennent certaines organisations et agriculteurs avec une autre partie des agriculteurs du Québec. Ce que nous appelons ici la ségrégation agricole entre les « vrais » et les « pas vrais » agriculteurs. Ceux que l’UPA et la CAPÉ ont appelé ces derniers jours les agriculteurs de loisir, de villégiature, les gentlemen-farmers. Lire ici dans le sens de pas bons, pas vrais agriculteurs, des gagne-petit.
Revenons aux bases. Selon la loi sur les producteurs agricoles, dès que vous avez une production agricole destinée à la mise en marché d’une valeur annuelle supérieure à 5 000 $, vous pouvez vous enregistrer comme agriculteur et bénéficier des programmes en agriculture dont le fameux programme de remboursement des taxes foncières agricoles. C’est très clair, vous devez avoir une production destinée à la mise en marché. Vous pouvez également ne pas vous faire reconnaître comme agriculteur et ne faire aucune ponction sur les programmes agricoles, car vous jugez qu’il n’y a pas de réel bénéfice pour vous. Malheureusement, si l’UPA le découvre, elle vous amènera devant la RMAAQ afin de prouver qu’au sens de la loi vous êtes producteur agricole (même si vous ne le voulez pas) et ainsi vous forcer à lui payer une cotisation syndicale tout en vous ouvrant toutes grandes les portes des subventions agricoles.
Revenons à la notion de producteur agricole. 5000$ de revenu pour être reconnu agriculteur est-il légitime? Pourquoi pas 10 000$ ou encore 4999$? C’est une question qui a été mainte fois débattue et un relatif statu quo s’est établi autour de cette question, au moins depuis 15 ans. Mais quel est le portrait de ces gentlemen-farmers?
Selon le recensement agricole de 2011, ce sont 8735 fermes qui ont entre 5000$ et 25 000$ de revenus sur un total de 29 437 fermes, soit le tiers de toutes les fermes que compte le Québec. De 2001 à 2011, le travail extérieur non-agricole est passé au Québec de 30% à 35% des exploitants agricoles, ce qui fait de l’agriculture un métier de plus en plus à temps partiel. Du temps partiel encore plus évident lorsque l’on parle de la relève agricole. Selon le Portrait de la relève agricole 2011, 63 % des jeunes s’établissant par le démarrage d’une entreprise travaillent à l’extérieur de celle-ci. De 2006 à 2011 le nombre de jeunes de la relève occupant un travail extérieur est passé globalement de 38% à 42%.
Donc les chiffres démontrent clairement qu’une bonne proportion de l’agriculture au Québec est faite de petites fermes et que la majorité d’entre elles sont à temps partiel. Les raisons sont multiples : difficulté de capitalisation et d’accès à la terre, nouvelle ferme, nouveaux créneaux, grosseur du marché en région, transfert sur un grand nombre d’années, etc. Sans oublier qu’il y a aussi des agriculteurs qui souhaitent rester petit. Comme il y a des médecins souhaitant travailler moins d’heures.
Les fermes de plus petite taille emploient des jeunes en démarrage, des femmes, des agriculteurs âgés ayant délaissé une partie de la production ou qui visent une production en émergence, des agriculteurs en région éloignée, etc. C’est en grande partie à cette nouvelle relève que nous devons le développement de nouveau créneaux : houblon, asclépiade, bio, safran, paniers, etc. C’est aussi à ces fermes que nous devons la protection des variétés anciennes végétales et des races comme la poule Chantecler, le cheval canadien et la vache canadienne. Des espèces dédaignées par l’industrie agricole. L’apport des plus petites fermes est large et mériterait d’être valorisé.
Et bien, ce sont ces agriculteurs et agricultrices qui sont ciblés indistinctement par les discours de l’UPA et de la CAPÉ. Il est fatiguant de voir revenir dans le discours agricole dominant des propos discriminatoires envers une large partie de la classe agricole du Québec. D’autant plus que cette classe agricole ciblée est forcée de payer une cotisation syndicale à l’UPA.
Tout le monde s’entend qu’il y a des personnes qui tirent un revenu minimal de l’agriculture par la location d’actif ou quelques chevaux et qui obtiennent ainsi leur remboursement de taxes agricoles. Nous pouvons les critiquer, mais en louant leurs terres ils sont déjà mieux que ceux qui les laissent aller en friche. Combien sont–ils? Personne ne le sait, car aucune donnée n’existe, mais voilà que toute une classe agricole se retrouve amalgamée avec eux par des organisations mal avisées et cherchant à se faire du capital politique.
L’Union paysanne invite l’UPA et la CAPÉ à cesser d’utiliser ce genre de discours autant que l’épouvantail de l’accaparement des terres. Cela n’apporte rien à la classe agricole, crée de la division et pointe dans la mauvaise direction. Est-ce que parler d’intégration en agriculture ne vous semble pas plus urgent? Il ne viendrait à personne l’idée de nier le statut d’agriculteur à ce milliard d’êtres humains qui vivent de l’agriculture dans le monde sans avoir le 5000$ de revenus agricoles minimum. Cherchons les vrais enjeux et cessons de se battre contre des moulins.
S’il est bien vrai que 2500 nouvelles entreprises agricoles, au sens de la loi, seront soutenues par les modifications apportées par le MAPAQ au Programme de crédit de taxes foncières agricoles (PCTFA), alors nous pouvons nous en réjouir. S’il y a des profiteurs, alors trouvons un moyen de les identifier et de les écarter du programme à l’avenir.
1 : Coopérative pour l’agriculture de proximité du Québec
Pour plus d’informations:
Benoit Girouard Président Union paysanne 450-495-1910 |
Maxime Laplante Vice-président 418-926-2473 |
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