Appel des organisations de la société civile à leur Gouvernement concernant la Nouvelle Alliance pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition en Afrique
Malgré les progrès que nous avons pu constater dans le cadre de la Nouvelle Alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition, lancée par le G8 il y a plus de deux ans, notre évaluation de ce processus demeure inchangée : la Nouvelle Alliance sape effectivement la sécurité alimentaire, la nutrition et l’évolution de la réalisation du droit à l’alimentation Afrique. Les premières recherches sur le terrain montrent un écart considérable entre le développement en tant que tel et les impacts constatés. Il n’y a aucun signe indiquant que la Nouvelle Alliance sort véritablement les populations africaines de la pauvreté, par contre l’engagement visant à promouvoir la puissance du secteur privé a visiblement bien abouti. Bien que le discours de la Nouvelle Alliance se réfère au programme de développement de l’agriculture africaine (PDDAA), nous voyons clairement que les petits producteurs ont été écartés de ces processus et composants du PDDAA qui normalement devaient les avantager.
Lorsque la nouvelle alliance a été inauguré aux Etats-Unis à Camp David en 2012, il est immédiatement devenu évident que cette initiative servait essentiellement à permettre aux sociétés privées d’influencer la politique agricole pour faire avancer leurs propres intérêts. Les gouvernements africains sont donc contraints d’adopter des réformes dans leur politique intérieure qui faciliteront les investissements de grandes entreprises au détriment de ceux qui font réellement la majeure partie des investissements, à savoir les petits producteurs eux-mêmes.
Ces profonds changements législatifs et politiques menacent le contrôle qu’ont les petits agriculteurs sur la terre et les semences, marginalisent les marchés locaux et entraînent la perte de la biodiversité et de la fertilité des sols, au détriment des moyens de subsistance des communautés locales. Ils ne feront qu’exacerber le climat futur et les chocs économiques pour les petits agriculteurs, au lieu de construire leur résilience pour faire face à de tels chocs. Ils sont faits sans débat national, sapant ainsi les structures démocratiques.
Le niveau d’engagement et de mise en œuvre des donateurs et des entreprises est uniquement mentionné dans la synthèse du rapport d’activité 2013-14 : ce qui montre le manque de transparence de la Nouvelle Alliance et rend extrêmement difficile une réelle vue d’ensemble de cette mise en œuvre pour la société civile.
Cependant, les premiers cas concrets indiquent que la Nouvelle Alliance est loin d’être un outil efficace pour aider les petits agriculteurs.
Par exemple :
Au Burkina Faso, l’engagement concernant le développement et la réhabilitation des terres irriguées dans le projet relatif à la croissance du Pôle de Bagré est principalement réservé aux gros investisseurs de l’agroalimentaire ; seul 22% (2 790 ha) des terres sont disponibles pour les petits agriculteurs. Habituellement, ces agriculteurs n’ont qu’1 à 4 ha de terrain et n’ont quasi aucune chance d’obtenir plus au Malawi, l’élargissement des investissements à la culture du tabac par les multinationales est présenté comme une contribution à la sécurité alimentaire, et l’engagement pour améliorer l’accès à la terre a été mis en œuvre en mettant à disponibilité 200 000 ha de terres pour l’agro-industrie5; quant à la nécessité d’adopter le « Tenancy Labour Bill » comme un instrument essentiel pour assurer les droits de bases aux locataires et aux travailleurs minimales : il a été ignoré dans l’accord-cadre de coopération. en Tanzanie et au Mozambique, de nouvelles lois sur les semences vont être mises en place et rendront illégales à l’avenir les échanges de semences d’agriculteur à agriculteur. Des processus similaires sont en cours dans d’autres pays, comme le Ghana et le Malawi.
Ces données confirment notre analyse : la Nouvelle Alliance ne tient pas compte des systèmes alimentaires diversifiées et durables des petits agriculteurs, qui eux offrent un potentiel réel pour la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique. Au contraire, elle encourage les approches nuisibles à l’environnement et à l’agriculture qui assoient le pouvoir des entreprises.
Nous vous invitons donc à revoir votre engagement dans la Nouvelle Alliance et à prendre les mesures suivantes :
- Stopper les remaniements juridiques et politiques qui facilitent les investissements fonciers à grande échelle et qui empêchent les petits agriculteurs de conserver, échanger et vendre leurs semences
- Arrêter toute expansion de la Nouvelle Alliance. Aucun des accords-cadres de coopération ne doivent être développées
- Examiner les projets existants et les indicateurs de réforme de la politique avec la participation significative des populations les plus touchées, et se retirer de ceux qui n’arrivent pas à promouvoir le droit à l’alimentation et les droits fonciers légitimes des femmes des communautés, ou qui donnent la priorité aux intérêts commerciaux au détriment des personnes vulnérables et de l’environnement
- Rendre public les lettres d’intention des sociétés participant à la Nouvelle Alliance, afin de permettre un débat public légitime sur les impacts probables et l’évaluation de la Nouvelle Alliance
- Soutenir les investissements propres aux petits producteurs, tel que recommandé par le Comité sur la sécurité alimentaire mondiale, en mettant les femmes, les petits agriculteurs et les autres groupes marginalisés au centre de toute stratégie et projet futurs pour la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique; faire en sorte que les études concernant les droits de l’homme et l’impact environnemental soient effectués de façon à assurer que les projets soient mis en œuvre sans qu’ils aient de répercussions négatives sur les droits de l’homme et l’environnement.
- Favoriser l’adoption des pratiques agro-écologiques par les petits agriculteurs pour renforcer la résilience via la recherche participative en agro-écologie, la diffusion de connaissances entre agriculteurs sur l’agriculture écologique, et le renforcement des capacités de vulgarisation des pratiques de l’agriculture écologique afin que les agriculteurs soient bien conseiller sur les pratiques l’agro-écologie.
Pièce-jointe :