Montréal, 3 mars 2018. Récemment, le Ministère du développement durable, de l’environnement et de la lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) faisait une sortie médiatique pour annoncer la restriction de l’usage de certains pesticides. Les néonicotinoïdes, atrazine et chlopyrifos ont été pointés du doigt, bien que l’annonce du Ministère en a laissé septique plus d’unE. Quelques temps après, un article percutant, publié par Furlan et al. dans Environmental Science and Pollution Research, venait marquer au fer rouge la réputation des néonicotinoïdes, stipulant que ceux-ci étaient purement et simplement inefficaces.
Des pesticides « tueurs d’abeilles »?
Par la suite, certains médias ont repris les nouvelles et la toile abondait d’articles portant sur les insecticides, avec une attention particulière fixée sur les néonicotinoïdes. On titrait en gros « Les pesticides tueurs d’abeilles » et les attaques fusaient de toute part. Tout ce qui peut tuer les abeilles est forcément mauvais, on s’entend. Et voilà qu’au niveau sociétal, nous posions sur le podium une espèce animale. Une nouvelle vedette venait de naître.
Pourquoi parle-t-on seulement des abeilles? Qu’est-ce qui justifie que ces êtres soient placés sous les projecteurs, devant l’arrière-scène qui cache une multitude d’autres invertébrés tout aussi vulnérables aux insecticides à base de néonicotinoïdes? La raison est profondément systémique, trouvant ces fondements dans l’imaginaire qui sous-tend nos relations socio-économiques. Dans les faits, les abeilles ne sont qu’un élément singulier dans l’équilibre écosystémique qui permet la résilience de la nature. Certes, les services de pollinisation qu’elles offrent sont indispensables pour assurer le fonctionnement de la biosphère. Toutefois, maintes autres espèces nous assurent aussi ce service. Or, pourquoi elles, précisément, s’érigent en vedettes lorsque la question des insecticides refait surface dans le débat québécois?
Les abeilles sont les ouvrières de près de 50 000 ruches dispersées sur le territoire québécois. En outre, leur travail permet des exportations canadiennes d’environ 75 millions de dollars de miel vers les États-Unis et la Chine. Elles sont le cœur d’une industrie lucrative. Dans les faits, nous leur avons accordé une valeur fondamentalement économique. Lorsque leur survie est menacée, entre autres pour cause d’usage d’insecticides à base de néonicotinoïdes et, plus globalement, en raison du modèle industriel de production agricole, nous ne pouvons faire fi de cette évidence : l’industrie est menacée.
Si les fondements de la dénomination tueurs d’abeilles trouvaient racines dans l’argumentaire environnementaliste, pourquoi éviterions-nous de parler des écosystèmes dans leur entièreté? Pourquoi utiliserions-nous un tel raccourci pour parler d’une situation hautement plus complexe que la « simple » disparition d’une espèce? C’est que notre imaginaire est teinté par le système économique et cela nous rattrape, nous faisant oublier de mentionner que l’environnement et ses fonctions écosystémiques se trouvent à la base même de ce qui permet notre survie, même lorsqu’on dit supporter la cause environnementale!
À la lumière de ces faits, l’Union paysanne dénonce vivement l’usage des intrants chimiques, notamment les néonicotinoïdes et le glyphosate, parce qu’ils menacent l’équilibre des systèmes planétaires et qu’ils perpétuent le modèle industriel de production agricole. Un modèle qui repose sur un usage massif d’intrants chimiques, sur des semences transgéniques et enrobées et sur l’utilisation d’énergies carbonées, menaçant plus globalement l’environnement et la justice sociale. Nous sommes d’accord, les abeilles sont importantes, mais l’harmonie d’un écosystème sain l’est encore plus!