Nous avons appris, au lendemain de Noël, le décès de Jean Pronovost qui a présidé la maintenant célèbre commission sur l’avenir de l’agriculture au Québec. Personne intègre et connue pour son doigté, son art de pouvoir entendre les divers intervenants du monde agricole avec attention, M. Pronovost a découvert cet univers qu’est l’agriculture québécoise. Découverte privilégiée, au-delà de la simple image véhiculée par les médias, souvent bucolique à souhait. Après un long périple dans le Québec rural, assisté par une équipe de recherchistes et deux autres commissaires, M. Pronovost s’est lentement forgé une opinion. Son constat principal : l’agriculture du Québec étouffe, manque d’oxygène, pour reprendre ses termes. Le carcan des fédérations contrôlant les plans conjoints, la rigidité des règles touchant l’aménagement du territoire, les obstacles pour la relève, le financement taillé sur mesure pour la grande entreprise spécialisée, tout cela à l’encontre des objectifs de diversification, de multifonctionnalité.
Je me souviens avoir reçu M. Pronovost chez moi, alors qu’il rencontrait diverses organisations. Il faut mentionner que la commission Pronovost trouve son origine dans une demande faite par l’Union paysanne dans le bureau du ministre de l’agriculture de l’époque, M. Vallières. Il allait donc de soi d’aller rencontrer l’Union paysanne. Je l’ai alors accueilli chez moi, dans mon fond de rang, avec pour repas de la viande de porc de mon élevage à l’extérieur. Pendant que le repas finit de cuire et que nous conversons, il regarde par la fenêtre, voyant les bâtiments, les champs, les animaux, le jardin, le verger. Je lui demande alors si, d’après lui, ce qu’il voit correspond à une ferme. Il se dit surpris par la question, soupçonne une blague de ma part. Hésitant, il me répond qu’à toute évidence, il s’agit d’une ferme. Je lui explique donc qu’au sens de la loi du Québec, ce n’est pas une ferme mais simplement un « hobby ». Devant son regard incrédule, je précise que le Québec ne tient compte que des ventes extérieures pour définir une ferme. Nourrir une famille de sept personnes, en plus d’amis ou de parents, ça ne compte pas, même si le nombre d’heures consacré correspond à un emploi régulier. Quand on sait que le rôle premier de l’agriculture dans le monde, c’est de nourrir la famille, il est aberrant que le Québec conserve une vision si réductrice. Une vision unique en somme. Pendant son périple à travers le Québec, M. Pronovost a entendu toutes sortes de commentaires et son lot d’histoires d’horreur, de situations cauchemardesques. Il a aussi vu de la passion, de l’initiative.
On retrouve dans les recommandations du rapport Pronovost de larges pans du mémoire de l’Union paysanne que j’ai présenté lors de cette commission. Il serait temps que le Québec applique ce rapport. Souhaitons que l’avenir rendra aussi hommage à cet homme visionnaire, pour le plus grand bien de notre agriculture et de la diversité des gens qui y travaillent.
Maxime Laplante, agr, président