Le verdict est tombé, le récent accord commercial de l’ALENA permet l’entrée sur le marché canadien de 3,59% en produits agricoles étrangers, comme les produits laitiers ou du poulet. Évidemment, l’UPA joue la scène de Perrette qui perd son pot de lait.
Avec raison, ces entrées sont perçues comme des attaques directes contre la gestion de l’offre. Surprenant? Aucunement. Depuis plus de 20 ans, le gouvernement du Québec, sous l’influence de l’UPA, a misé sur l’exportation de produits agricoles subventionnés, le porc notamment. Et maintenant, en pleine négociation commerciale, on prétend pouvoir ouvrir les frontières pour exporter du porc mais aussi fermer ces mêmes frontières pour l’importation d’autres denrées. Une position schizophrénique, voire carrément hypocrite.
Le monopole agricole québécois a voulu jouer avec le feu en traitant la nourriture comme n’importe quel produit manufacturé et joue maintenant la vierge offensée lorsque la situation vient nuire aux secteurs de la volaille ou du lait.
Le Canada, après avoir permis l’entrée d’environ 17 000 tonnes de fromages européens, autorisera l’importation de 50 000 tonnes de lait, environ 50 000 tonnes de poulet et 10 millions de douzaines d’œufs. Et pendant ce temps, le Québec persiste à interdire la production à petite échelle de plus de 100 poulets ou de 100 pondeuses. Un État qui favorise l’importation et bloque systématiquement la production de ses propres fermes. Simplement malsain.
À la fin octobre, l’Union paysanne se présente devant la Régie des marchés agricoles pour que les fermes du Québec puissent produire 2000 poulets, 300 dindons et les œufs de 300 poules. Et ce sont précisément les succursales de l’UPA qui s’opposeront à notre démarche, allant même jusqu’à prétendre nous représenter, alors qu’ils paieront leurs avocats à même nos cotisations de producteurs agricoles.
Le principal ennemi de la gestion de l’offre, c’est exactement le carcan rigide et totalitaire exercé par le monopole agricole.
Au lieu d’être un outil pour atteindre la souveraineté alimentaire du Québec, axée sur l’approvisionnement de notre population, repeupler les régions rurales et protéger nos ressources, la gestion de l’offre contrôlée par l’UPA demeure un moyen de main-mise sur le marché par une minorité, de concentration des fermes et d’entrave à la relève. Et voilà qu’elle devient un outil de marchandage commercial.
La production agricole pour l’alimentation ne devrait jamais être soumise au jeu du commerce international. La souveraineté alimentaire, c’est d’abord le droit des États à être maître de leurs modèles agricoles.
Nous voici rendus aux conséquences de notre modèle agricole de plus en plus axé sur l’exportation, la spécialisation et la concentration des fermes. Les impacts sont flagrants : les régions se vident de leurs habitants, notre dépendance face aux importations alimentaires augmente, l’emploi de pesticides explose et les réclamations du monopole agricole pour avoir encore plus d’argent s’accentuent. C’est un constat d’échec de notre modèle et ce n’est pas avec de frileuses promesses d’augmenter la production biologique à 4% d’ici 2025 qu’on effectuera le changement souhaité par la population.
L’Union paysanne prône la souveraineté alimentaire, la liberté d’association des fermiers et fermières, l’application du rapport Pronovost sur l’agriculture. N’est-ce pas exactement ce que souhaite notre société?
Maxime Laplante, agr, président de l’Union paysanne