12 février 2010. Aujourd’hui, ce 12 février, nous fêtons le deuxième anniversaire du dépôt du rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire du Québec : le rapport Pronovost. « Ce rapport, rappelons-le, avait obtenu une reconnaissance de tout le milieu agricole et de la population…..sauf de l’UPA. », souligne Frédéric Sauriol, secrétaire général de l’Union paysanne.
Les commissaires avaient bien saisi la situation de crise: revenu des agriculteurs, acceptabilité sociale, relève agricole, impact environnemental, disparition accrue des fermes, etc. Ce constat de base devait aiguiller les commissaires vers les causes à identifier afin de proposer des remèdes.
Comme de bons chercheurs, les commissaires, mais aussi beaucoup d’agriculteurs, ont eux-mêmes identifié les causes : frein à la liberté d’entreprise, contrôle syndical sur la mise en marché, cogestion malsaine de l’agriculture par l’UPA, absence d’équité dans les programmes de l’état, négation du rôle entrepreneurial des agriculteurs, manque d’oxygène généralisé, etc. « Les agriculteurs du Québec ont poussé un soupir de soulagement en constatant que la commission avait entendu leurs demandes »…rapporte Benoît Girouard, président de l’organisation.
À la croisée des chemins ???
Deux ans plus tard, nous attendons encore un vrai coup de barre qui réorientera notre agriculture tout en donnant de l’oxygène à toute une classe agricole. L’Union paysanne, au tout début de la CAAAQ, avait prédit que dans un horizon de 5 à 10 ans notre agriculture connaîtrait une hécatombe équivalente aux années 80 où 20 fermes disparaissaient par semaine. Les raisons sont multiples, entre l’âge moyen des agriculteurs, le prix des quotas, l’absence de souplesse des plans conjoints, la forte concentration du secteur, mais surtout le plus haut taux d’endettement des fermes en Amérique du Nord et la forte dépendance au soutien de l’état. C’est pour cela que le rapport Pronovost parlait constamment du besoin d’oxygène.
Parallèlement, il était prévisible que le gouvernement réoriente son soutien à l’agriculture comme l’a fait le ministre Béchard en novembre dernier. La pression sociale et les finances publiques forçaient le ministre à agir, « ceux qui verront leur soutien baisser à compter de cette année et qui ne recevront pas tout l’aide voulue pour se relancer risquent de disparaître…ils devront blâmer l’UPA qui était aux commandes de la Financière agricole depuis le début » ajoute Benoît Girouard, président de l’Union paysanne.
Chefs d’entreprises versus ouvriers d’usines
Le cœur de la problématique agricole réside dans cette vision qu’impose l’UPA que les agriculteurs sont des ouvriers d’usine, de simples producteurs de denrées qu’elle s’occupe de commercialiser pour eux. Tandis que l’Union paysanne démontre que les agriculteurs sont des chefs d’entreprises qui aiment créer, innover et être libres de commercialiser leurs produits. Pour parler de souveraineté alimentaire, il faut des agriculteurs souverains et cette souveraineté s’érode depuis la création du monopole.
C’était pathétique d’entendre Pierre Lemieux, 1er vice-président de l’UPA, dans le cadre de leur congrès dire au ministre Béchard « .nous ne sommes pas des entrepreneurs. » en réponse au ministre qui appuyait sur la fonction entrepreneuriale des fermes. Encore plus pathétique les propos de Simon Trépanier, directeur général adjoint de la FPAQ qui, dans un litige entre les emballeurs et les producteurs de sirop d’érable, répond « On ne veut pas intervenir là-dedans. […] On veut laisser une partie d’entrepreneurship ».
Voilà où nous en sommes rendus…le syndicat qui en position de contrôle complet…laisse une partie d’entrepreneurship aux agriculteurs. Comme le disent des agriculteurs sur le terrain des vaches : « ça et le communisme…c’est pareil. »
Sortir de la crise
Le gouvernement libéral semble avoir pris acte des recommandations de Pronovost. Laurent Lessard et l’actuel ministre de l’agriculture Claude Béchard rétablissent actuellement l’indépendance du Mapaq face à l’UPA. Ils ont investi les premières sommes d’argent en faveur des circuits courts et de la diversification agricole et cela à un moment où l’argent était monopolisé par l’Assurance Stabilisation du Revenu Agricole. Surtout, ils ont su réorienter le soutien à l’agriculture en réformant la Financière agricole.
« Mais le vrai changement reste à venir tant et aussi longtemps que le ministre Claude Béchard ne rétablira pas une vraie liberté d’association et une complète liberté de vendre à la ferme en dehors du contrôle de l’UPA. » termine Benoît Girouard, président de l’Union paysanne. Pour se sortir de la crise, il faudra avoir un préjugé favorable pour les régions, les petites fermes (rappelons que plus de 50% des fermes du Québec sont considérées comme des petites fermes), les fermes biologiques, le terroir, la relève et pour la démocratie.