You are currently viewing COP 14 en Égypte : Les paysan.ne.s demandent un moratoire sur les technologies non-testées des corporations qui menacent la biodiversité, la sécurité alimentaire et les droits paysans

COP 14 en Égypte : Les paysan.ne.s demandent un moratoire sur les technologies non-testées des corporations qui menacent la biodiversité, la sécurité alimentaire et les droits paysans

27 novembre, Sharm El-Sheik (Égypte). La Via Campesina s’est jointe à nos alliés du Mouvement agroécologique de l’Amérique latine et des Caraïbes (MAELA) dans le Comité international de Planification de la Souveraineté alimentaire (CIP) duquel nous sommes membres.

Le CIP est une plate-forme autonome et auto-gérée composée de petit.e.s producteur.trice.s alimentaires et d’organisations de travailleur.euse.s de milieux ruraux et de mouvements sociaux communautaires et radicaux qui mettent de l’avant la Souveraineté alimentaire aux échelles nationales et régionales. Le CIP représente 6000 organisations et 300 millions de producteur.trice.s alimentaires.

Nous sommes le seul groupe composé de paysan.ne.s et de producteur.trice.s présent à cette Conférence des parties (COP14).

Lors de cette COP, une attention particulière fut portée sur le Plan stratégique post-2020 de la Convention sur la diversité biologique (CBD) – élaboration du plan d’action de la CBD à horizon 2050. Le CIP espère que ce plan supportera la réalisation des objectifs de la Convention en prenant en compte les revendications indigènes et celles des mouvements sociaux paysans.

Un moratoire sur les nouvelles technologies qui menacent l’intégrité paysanne et la souveraineté alimentaire est exigé

Pendant cette COP, nous avons suivi de près plusieurs enjeux discutés par les États membres, notamment le forçage génétique, la biologie synthétique et le séquençage numérique. Toutes ces technologies sont promues sous prétexte qu’elles sont des « biens publics » par les forces militaires et les grandes corporations – comme l’Agence pour les projets de recherche avancée de défense (DARPA) du gouvernement étatsunien, la fondation Bill et Melinda Gates, le Tata Trusts et le Open Philanthropy Project supporté par l’entreprise Facebook. Cependant, le groupe ETC rapporte que ces technologies sont surtout d’intérêt pour l’industrie agro-alimentaire.

Par exemple, le forçage génétique qui vise à forcer le transfert de gènes dans toute la descendance d’une population (végétale, animale ou humaine), comme des gènes de stérilité, pourrait potentiellement provoquer la disparition d’espèces entières. Un projet appelé « Target Malaria » fait d’ailleurs la promotion de cette technologie invasive afin d’éradiquer les moustiques porteurs de la malaria. Pour y parvenir, le projet veut libérer 10 000 mâles génétiquement « stériles » au Burkina Faso. Toutefois, en réalité, nous ne connaissons rien de ces technologies et la CBD elle-même promeut les idées de principes préventifs – ce qui implique que toutes les précautions doivent être prises jusqu’à ce qu’il y ait une compréhension scientifique exhaustive des impacts. Qu’arrive-t-il si cette caractéristique de stérilité se propage vers d’autres espèces (animales et végétales) dont l’humain dépend dans ses systèmes agro-alimentaires? Le forçage génétique pose une menace sérieuse à notre santé, à la protection des sols, à la biodiversité, aux droits humains et à l’approvisionnement alimentaire.

Ces technologies qui proviennent des laboratoires, comme les OGM et maintenant le forçage génétique, ignorent les injustices socio-historiques et la redistribution inéquitable du pouvoir et exigent donc d’être considérées politiquement et d’être démocratiquement observées, plutôt que d’être de simples solutions techniques à court-terme.

Durant cette COP, seule la Bolivie a supporté farouchement un moratoire complet sur le forçage génétique, alors que le Brésil, le Canada et la plupart des pays africains ont préconisé la création d’organes de recherche servant à réguler la libération de populations (animales et végétales) génétiquement modifiées. Les pays africains, d’abord hautement incertains, se sont ralliés derrière les position de l’industrie bio-technologie.

Geneviève Lalumière, une jeune paysanne membre de l’Union paysanne au Québec, qui œuvre aussi à la préservation des semences, est intervenue pour le compte du CIP lors de la discussion sur la biologie synthétique :
« Je dédie ma vie à la sauvegarde des savoirs artisans et paysans et au développement de semences paysannes à pollinisation libre. Il est impératif que les paysan.ne.s et les communautés indigènes soient consultés, écoutés et pris en compte dans toutes les étapes du processus. Pour nous, les technologies comme le forçage génétique sont des technologies d’extermination de masse, ce qui met directement notre souveraineté alimentaire en péril. Nous supportons un moratoire sur le forçage génétique. Après Terminator, voici Exterminator. »

Dans une entrevue, Geneviève ajoutait « qu’on tente de résoudre des problèmes causés par l’industrie avec d’autres procédés industriels ».

Nous avons aussi organisé un événement parallèle avec les Amis de la Terre International et le groupe ETC, où plusieurs membres de la société civile africaine ont parlé des menaces du forçage génétique sur les communautés locales, la souveraineté alimentaire et la biodiversité.

Les enjeux liés au séquençage numérique éveillent aussi pour nous des inquiétudes majeures en raisons de ses dérives potentielles vers la biopiraterie. Les avancées rapides dans la séquençage et la synthèse de l’ADN signifient que la biopiraterie « numérique » est dorénavant possible. Cela soulève des questionnements sur le partage juste et équitables des bénéfices d’une telle technologie : qu’arrive-t-il si l’information génétique de variétés de semences paysannes est usurpée par les intérêts corporatistes pour développer de nouvelles formes de vie? En somme, il s’agirait de biopiraterie et ces dérives doivent être strictement régulés.

Notre principale revendication concernant le séquençage numérique fut exprimée par Antonio Gonzalez, originaire du Guatemala et membre de MAELA, lors d’une plénière : « Le séquençage numérique, de paire avec le développement rapide des techniques de biologie synthétique, peut mener au brevetage de semences et de plantes (par exemple, des plantes médicinales) que les communautés locales et les peuples indigènes utilisent pour leur souveraineté alimentaire et leur santé. » Après quoi, pour cette raison, il a ajouté que :
« Que les parties contractantes s’assurent que le protocole de Nagoya régule l’usage des informations de séquençage numérique;
Que le « libre accès » à ces informations ne signifie pas qu’il y ait absence de régulations quant à ces informations;
Que les parties contractantes établissent un groupe à composition non limitée incluant les peuples indigènes et les communautés locales;
Que ce dernier énoncé soit aussi discuté avec les groupes qui œuvrent avec ces ressources génétiques, qui sont maintenant menacés par la biopiraterie. »

Marciano da Silva du MPA a mentionné que « nous avons déjà des solutions concrètes comme l’agroécologie, qui s’est déjà montrée efficace et contribue significativement à la préservation de la biodiversité tel que suggéré par le programme de la CBD. Nous, paysans et paysannes, nourrissont déjà le monde grâce à nos semences paysannes. Les grandes corporations veulent utiliser les technologies comme le forçage génétique pour breveté les traits développés par la paysannerie – il s’agit ici de biopiraterie. »