Le rapport Pronovost donne raison à l’Union paysanne

 

Lundi 25 février 2008. Qui l’eût cru! Après avoir entendu 770 mémoires et nombre d’études d’experts, voilà que le rapport Pronovost sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire semble reprendre dans une similitude déconcertante l’analyse de l’Union paysanne sur les raisons de la crise et les façons de s’en sortir.

 

Durant les 6 dernières années, nous avons écouté les agriculteurs et les citoyens de partout au Québec. L’Union paysanne n’a jamais hésité quant à la pertinence et l’urgence d’entamer un réel débat public au sujet de notre agriculture et de notre alimentation. En ce sens, le rapport Pronovost constitue un baume et un encouragement pour tous les agriculteurs et toutes les agricultrices qui luttent dans l’ombre afin de maintenir notre agriculture viable et transmissible aux jeunes. Il constitue également une réaffirmation de l’importance du secteur agroalimentaire pour le développement régional au Québec.
Il nous semble important ici de rapporter quelques points du rapport qui nous apparaissent essentiels :

Les propositions 3, 4, 5 et 6 portant sur la modification de l’assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) vers un programme universel de soutien à l’entreprise agricole ne forment en réalité qu’une seule proposition qui a été scindée afin de faciliter sa compréhension et sa portée. C’est à notre avis la pierre angulaire du rapport car elle vient modifier en profondeur la façon de subventionner notre agriculture et également le modèle qui sera soutenu par l’État.

L’ASRA est probablement un des facteurs déterminants dans la déroute de notre agriculture. Ce programme d’assurance se révèle un véritable puits sans fond qui soutient la production de volume, tout en étant réservé à une classe d’agriculteurs au détriment de tous. Ici le rapport Pronovost, par sa proposition d’un soutien universel plafonné et dirigé vers la petite ferme, vient indiquer clairement la façon de sortir de la crise actuelle.

Les commissaires introduisent également la notion de prestations sociales et géographiques, qui permettront aux agriculteurs de maintenir une agriculture régionale dans des zones difficiles et d’être soutenus lorsqu’ils protègent le paysage et l’environnement. En fait, cette ouverture dans le rapport vient modifier radicalement notre façon de voir les agriculteurs et permettra de redorer notre métier en lui conférant un rôle de protecteur de l’environnement et de la ruralité. C’était une des demandes incessantes de l’Union paysanne.

Les propositions 7, 8 et 13 touchent entre autres le secteur biologique, qui est l’enfant pauvre de l’agriculture au Québec. La commission propose de soutenir la conversion vers la production biologique par le biais de congés d’intérêts, d’un meilleur financement, etc. Ce sont d’excellentes propositions à mettre en place rapidement.

La proposition 14 est une autre des perles du rapport Pronovost et reprend exactement l’un des chevaux de bataille de l’Union paysanne : protéger la gestion de l’offre tout en redonnant préséance à la vente à la ferme et en assurant une plus grande autonomie aux entreprises agricoles. Il est clairement écrit : que les ventes des produits dans ces lieux (circuits courts) ne soient pas assujetties aux pouvoirs d’un office de mise en marché. Cette recommandation, encore une fois, permettra aux régions, aux terroirs, au biologique, aux artisans et à la petite ferme de mieux tirer leur épingle du jeu.

Les plans conjoints tels que pratiqués par l’UPA –que certains préfèrent qualifier de cartels– ont vassalisé les agriculteurs. Il n’existe aucun outil de comparaison –quantifiable– qui permette de savoir si le plan conjoint leur rapporte plus d’argent qu’avant sa mise en place. Ce point a partiellement échappé aux commissaires, qui à la fin de la recommandation 14, demandent que la Régie des marchés agricoles tienne compte de la notion d’intérêt public ainsi que des conséquences des projets soumis, sans mentionner qu’il faudrait de vrais outils afin de préciser l’apport réel du plan conjoint.

Par exemple, il n’est pas certain que le plan conjoint et les quotas imposés dans le secteur de l’érable aient été une grande réussite en constatant le nombre de fermes qui ont abandonné à la suite de son application, sans oublier les poursuites syndicales qui continuent d’être le quotidien de bien des acériculteurs.

Au niveau de la transformation et de la distribution alimentaire, le rapport suggère une série de mesures diverses mais la cible ne semble pas bien définie. Bien des artisans qui nous ont contactés ont l’impression d’être exclus au détriment des moyens et grands transformateurs qui en seront les réels bénéficiaires. Effectivement, les mesures semblent timides en comparaison des autres recommandations. Toutefois, les mentions de : soutien aux circuits courts, approvisionnement des institutions, soutien aux appellations réservées, incitatifs à l’implantation en région, partenariats afin de favoriser des vins et alcools québécois nous semblent autant de mesures qui sauront profiter aux artisans.

Évidemment, un tel rapport ne pouvait pas passer à côté de l’environnement et les mesures proposées sont concrètes. On parle d’harmonisation des différents acteurs sur les interventions et la réglementation environnementales. On ramène la nécessité d’appliquer le principe d’écoconditionnalité pour l’obtention du soutien de l’état, d’intégrer la gestion de l’eau par bassins versants dans l’aménagement du territoire et même la création de zones sans OGM. Fait à souligner dans la proposition 40 de ce volet, on demande au gouvernement du Québec de définir des paramètres légaux afin de protéger les producteurs biologiques contre la contamination par les OGM. Ce point était une des demandes de l’Union biologique paysanne, qui regroupe les agriculteurs biologiques au sein de l’Union paysanne.

Dans le rapport Pronovost, les besoins de protection de la santé de la population du Québec semblent avoir été entendus. La proposition 41 recommande que la nouvelle politique agricole soit orientée vers des objectifs de santé et de saine alimentation par une panoplie d’actions visant à diminuer l’utilisation d’hormones de croissance, de pesticides et d’antibiotiques.

Les propositions 43 et 44 visent le territoire agricole et comblent des demandes pressantes de l’Union paysanne, de la relève ainsi que de la population : rouvrir le territoire agricole à la multifonctionnalité. Condition essentielle à la vitalité régionale et au développement d’entreprises différenciées, l’absence de cohérence et de souplesse en matière de multifonctionnalité des entreprises agricoles a malheureusement découragé nombre de jeunes à se lancer en agriculture dans des projets non-standardisés. La loi de protection du territoire agricole est un pilier à protéger mais son ouverture est une nécessité afin de protéger le territoire avec des humains dessus et non sur du papier.

En terminant, il n’était pas possible à la Commission de passer outre le nombre incroyable de commentaires perçus tout au long des travaux qui témoignaient de la mainmise de l’Union des producteurs agricoles sur l’agriculture. Les mots tutelle, cartel et même mafia ont été entendus lors de la commission. Ce qui a fait l’effet d’une bombe pour bien des acteurs de la scène agricole ne fût pas une énorme surprise pour l’Union paysanne, sachant qu’il devenait de plus en plus difficile pour l’UPA de justifier moralement son monopole.

En ce sens les propos d’un agriculteur nous reviennent à l’esprit lorsqu’il avait dit que l’Union paysanne avait sonné le début de la récréation. Devant la commission, il était nouveau de voir des agriculteurs parler ouvertement de la chape de plomb que fait peser l’UPA sur leurs épaules; de même, certains alliés d’autrefois se sont maintenant permis d’être dissidents et d’attaquer ouvertement le modèle syndical et organisationnel en place.

L’Union paysanne fût l’un des moteurs importants de cette commission qui, nous l’espérons, mènera aux changements tant attendus par la population québécoise.

En ce sens l’Union paysanne demande expressément au Ministre Lessard d’appliquer le rapport Pronovost et lui offre son entière collaboration à la transition que doit vivre notre agriculture. Nous-mêmes ferons nos devoirs et réfléchirons afin de rendre notre mouvement plus accueillant encore et davantage tourné vers les services à nos membres, agriculteurs comme citoyens. Nous offrons notre collaboration dès maintenant à tous ceux qui croient que l’agriculture doit garder un visage humain et que le Québec a le pouvoir de devenir la petite Europe d’Amérique du Nord.

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Benoit Girouard
Porte-parole Union paysanne
450-495-1910

Frédéric Sauriol
Secrétaire Général
450-566-5009

Union Paysanne

Force collective organisée et représentative regroupant ceux et celles en faveur d’une agriculture et d’une alimentation paysannes. Nous voulons pratiquer une agriculture à échelle humaine, viable à long terme, respectueuse de l'environnement, axée sur la souveraineté alimentaire et l’occupation du territoire.

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