Nous vivons dans un monde plein de coincidences. Comme par hasard, les principaux cas de COVID-19 sont à Montréal. Comme par hasard, les lieux de concentration humaine sont plus touchés. C’est sûrement donc par hasard si une usine d’abattage de porc employant 2500 personnes est affectée ou que des centaines de milliers de poussins doivent être euthanasiés.
Lorsqu’une nation concentre la moitié de sa population dans un centre urbain, c’est carrément de la provocation au niveau épidémiologique. Après des décennies de fermeture sauvage des petits abattoirs sur l’ensemble du territoire québécois par les autorités sanitaires, nous voici confrontés à un manque criant de structure d’abattage en région et une fragilisation des usines d’abattage. Encore le hasard?
Le Québec, qui n’est évidemment pas le seul cas, a choisi de concentrer un peu tout ce qu’il y avait moyen de concentrer: système de santé, système scolaire, agriculture, etc. Pour de vagues motifs d’économie d’échelle? Et si on incluait dans ce loufoque calcul d’économie d’échelle la facture du confinement, nul doute que ces objectifs de concentration seraient remis en question. Il est parfois désolant que, même en 2020, perdure l’adage: »Privatisation des profits, étatisation des dépenses ».
Le risque de la concentration commence à se percevoir de façon flagrante. Le port du masque et la distance de deux mètres vont peut-être sauver les meubles mais les virus, bactéries et autres « hasards » de la nature ne vont pas disparaître. Les maladies ont toujours été présentes et le seront toujours dans l’avenir. Ce qui a changé, c’est que notre société a tout mis en place pour en faciliter la propagation rapide. À moins de vouloir passer le reste de nos vies à porter un masque et à se tenir loin des autres, ce qui serait contraire au fondement même d’une « société », il faudra remettre en question le processus actuel de concentration et de monoculture. Concentrer le bagage génétique de nos animaux constitue un risque majeur. Utiliser de façon préventive des antibiotiques dans les élevages animaux concentrés est une menace directe, risquant d’anéantir l’efficacité des médicaments. Concentrer les cultures est une menace pour la biodiversité. Espérons que l’actuelle épidémie servira à enclencher un changement au lieu de simplement refiler au contribuable les coûts des dommages provoqués par le hasard…
Maxime Laplante, agr, président de l’Union paysanne