Alors que la question du libre-échange rebondit à nouveau dans les médias, qu’il s’agisse de l’accord nord-américain impliquant le Mexique, le Canada et les États-Unis (ALÉNA) ou encore de celui avec l’Europe (Accord économique et commercial global), on peut se demander à qui cela bénéficie vraiment. Et d’autant, si ce genre d’entente contribue à l’atteinte d’une souveraineté alimentaire réelle des États puisque cette dernière suppose, entre autres, le respect du droit des peuples et des nations de déterminer le modèle agricole qu’elles désirent, et non pas d’abandonner ce genre de décisions à des entreprises multinationales ou à des tribunaux, comme ce sera le cas pour l’accord européen.
Dans cette logique, permettre l’arrivée de 17 000 tonnes de fromages européens, en partie produits de lait cru, dont la fabrication est interdite ici, constitue une aberration. De plus, réclamer des compensations financières de la part du gouvernement en vue de dédommager les pertes de revenus pour les fermierEs n’est pas une solution à long terme et surtout pas à l’avantage du payeur de taxes. Dans le même ordre d’idée, permettre l’exportation de maïs américain vers le Mexique, en sachant pertinemment que les fermes mexicaines n’arriveront plus à écouler leur propre production sur leurs marchés locaux, ne peut pas vraiment être considéré comme une amélioration de la souveraineté alimentaire de ce pays. Et encore, miser sur ce genre d’accord pour gonfler nos exportations de porc ou de bœuf vers l’Europe ne constitue pas non plus un objectif louable, en regard du coût environnemental et social de la production industrielle porcine dans nos régions.
Comme c’est couramment le cas, de tels traités sont concoctés dans l’ombre, sans consultation publique, jaillissant subitement d’une boîte à surprise. Ceux qui profiteront alors de tels accords ne sont pas les citoyens; ce sont les entreprises qui ont tout loisir de déplacer la production vers les endroits de moindres salaires ou dont les normes sont moins contraignantes. En somme, il ne s’agit pas d’être contre le commerce international, mais un produit ne devrait jamais entrer sur un territoire à un prix moindre que ce qui est produit sur celui-ci pour une qualité équivalente. Autrement, il s’agit non seulement d’un nivellement par le bas, mais aussi d’une baisse de revenus considérable pour certaines productions agricoles, entraînant alors vers la chute les petites fermes de par le monde. Mais encore, ce genre d’accord peut entraîner la perte de souveraineté au niveau alimentaire pour de nombreux pays.
Maxime Laplante, agr, président